Journal de l'adjudant-général Ramel

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(59) quelquefois du pain et du vin : on lui vendoit pour nous la livre de pain quatre francs, et autant le verre de vin. Un jour il etoit tout joyeux ; il prévint M. de Marbois qu'il vouloit nous donner à souper , et que nous ne devions pas monger les fèves de la distribution ; en effet, à minuit, il nous envoya un derrière de cochon rôti , avec un pain et du vin ; c'étoit sûrement la provision particulière , la dernière ressource du bon Dominique. Son active humanité trahit son secret ; il fut découvert par le capitaine, qui, devant tout l'équipage, lui demanda compte de sa conduite , le menaça des fers et de la mort : nous entendions cette scène. Dominique ne démentit point son caractère , il avoua tout : « Je regrette, dit-il fermement, de n'avoir » pu offrir davantage à ces messieurs ; je »

voudrois les soulager au prix de mon sang;

» faites-moi fusiller tout de suite , que vous » faut-il de plus? faites-moi fusiller.» Le capitaine resta muet : le lieutenant Dubourg prit le parti de Dominique ; le second maître Chœpuis avoit partagé ses honorables torts : peut-être que Laporte n'étoit pas aussi sûr de son équipage que des soldats de sa garnison. Dominique s'étoit chargé de plusieurs lettres pour nos familles; elles ont été

fidélement


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