Journal de l'adjudant-général Ramel

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( 58 ) vice pendant la nuit, jetoit dans la cale des morceaux de pain et de fromage ; quoique n'ayant presque plus de dents , il se privoit de sa ration de pain pour nous la donner. La première fois qu'il nous apporta de l'eau chaude , sous prétexte d'aller nétoyer la pompe , nous nous empressâmes de lui témoigner notre reconnoissance : cet homme dont le ton est sévère , même brutal envers les matelots , ce brave homme tomba presqu' évanoui dans nos bras : « Ah! messieurs, » nous dît-il , ce voyage me coûtera la vie , » parce qu'il faut que je renferme mon » chagrin. » Dominique étoit sans cesse occupé denous procurer quelqu'adoucissement. Il avoit bien de la peine à tromper la vigilance du capitaine : c'étoit Aristide qui faisoit ses commissions auprès de nous ,et quand il n'étoit pas content de son exactitude et de son intelligence , il battoit ce pauvre petit : nous avions le chagrin de l'entendre pleurer, et l'inquiétude que cela ne fit découvrir Dominique; les soldats qui remarquoient les fréquentes visites d'Aristide, lui reprochoient les soins qu'il nous donnoit , et le battoient aussi. Mais l'excellent enfant ne disoit rien et ne se plaignoit jamais. Dominique parvint à acheter pour nous


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