Journal de l'adjudant-général Ramel

Page 55

( 43 ) jeta de dessus le pont deux pains de muni* tion. Ce fut le souper promis, et quelque frugal qu'il fût pour des malheureux qui n'avoient pas mangé depuis quarante heures, nous l'avons souvent regretté : ce fut la dernière fois qu'on nous donna du pain. Celte dernière translation sur un bâtiment de guerre; le mouvement de l'équipage qui se préparoit à appareiller, l'accueil du capitaine, l'humanité qui perçoit dans ses discours, malgré la sévérité de sa contenance, et son ton ferme vis-à-vis de ses matelots, tout concourait à nous rassurer, à nous persuader du moins, que nous n'étions pas destinés à une mort prochaine. — Quand tout à-coup le capitaine Jullien, qui, l'instant d'auparavant s'entretenoit avec Guillet au bord de l'écoutille, descend dans l'entre - pont, suivi de quelques soldats armés. Il distribue des hamacs à onze seulement d'entre nous qu'il appelle. Les quatre qui n'en reçurent point furent Willot, Pichegru, Dossonville et moi. Nous nous trouvâmes séparés de nos compagnons, par la garde qui suivait le capitaine Jullien; celui-ci nous ordonna de descendre dans la fosse aux lions, en nous disant: « Pour vous quatre, messieurs, voilà » le logement qui vous est destiné. « Ce coup inattendu sembla frapper à-la-


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.