Journal de l'adjudant-général Ramel

Page 53

( 41 ) » au général , tu n'es pas encore sorti de » nos mains. » C'étoit un enfant de quinze à seize ans. Nous dûmes croire que le lieu désigné pour notre déportation n'étoit autre que le lit de la Charente, et que nous nous trouvions déja dans un de ces terribles instrumens de' supplice, un de ces bâtimens à soupape inventés pour assouvir la soif des tyrans, et pour frapper de mort dans les ténèbres autant de victimes, et aussi rapidement que leur pensée et leur volonté en pourraient atteindre. La nuit survint : quelle nuit ! nous écoutions, nous attendions l'heure fatale; et quand les matelots commencèrent à manœuvrer, nous ne doutâmes pas qu'elle ne fût arrivée. Le Brillant avoit mis à la voile; nous descendions la rivière, et nous étions contrariés par la marée; à onze heures du soir le bâtiment mouilla dans la grande rade ; peu d'instans après qu'on eut jeté l'ancre, on appela six d'entre nous seulement, qu'on fit monter sur le pont. Ce moment fut affreux! Je ne fus pas du nombre de ceux qui furent appelés les premiers; nous dîmes adieu à nos compagnons. Cet appel successif, la joie féroce des soldats et de l'équipage, la présence de Guillet, nous persuadèrent qu'ils alloient à la mort. Nous restâmes près d'une


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.