Journal de l'adjudant-général Ramel

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( 138 ) long de la côte jusques au fort Orange , dont nous nous estimions à huit lieues, quoiqu'il ne fut distant que de quatre. Nous étions exténués de fatigue et de faim; nos haillons étoient fous mouillés et couverts de fange; nous n'avions d'abri qu'un bois couvert d'insectes et de reptiles ; nous avions perdus, dans le naufrage, nos armes et nos munitions, et comme la nuit s'approchoit , nous entendions les huriemens des tigres dans les intervalles du mugissement des vagues. Quelle horrible nuit ! les vents déchaînés, une pluie de déluge, un froid pénétrant. Nous recueillîmes le reste de nos forces, et nous travaillâmes toute la nuit à retenir notre pirogue, que les vagues entraî noient, et qui, malgré nos efforts, fut très-endommagée. Croira-t-on qu'il nous restât assez de forces pour une telle manœuvre, après avoir souffert la faim, et enduré tant de fatigues pendant cinq jours et six nuits ? Nous étions tous nus dans la mer, luttant contre les flots , qui nous arrachoient notre dernière espérance. Barthélemy , malgré ses infirmités, travailloit avec nous, et nous donna l'exemple de la patience et du courage pendant cette nuit épouvantable. Au point du jour (c'étoit le 9 juin, et le


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