Une erreur judiciaire : L'affaire Dreyfus

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mentionnait même pas les experts défavorables à l'accusation : MM. Gobert et Pelletier. Que le capitaine Dreyfus, après deux mois d'une enquête qui n'amena aucune découverte, fût uniquement accusé d'avoir écrit ce bordereau, ses ennemis, ceux qui avaient montré contre lui le plus d'acharnement, le reconnaissaient eux-mêmes : « Il est exact, disait l'Intransigeant, que c'est sur une piece unique, sorte de bordereau indiquant une liste de documents à livrer, que repose l'accusation. Nous croyons même pouvoir donner, d'après ce que nous affirmait une aimable assistante qui l'a, avant l'ouverture de l'audience, aperçue sur le bureau du conseil de guerre, derrière lequel elle était placée, le sens général de cette piece. Dreyfus y parle d'un rendez-vous manqué et y annonce l'envoi prochain des documents dont il donne la liste. La piece se termine par cette phrase : Je vais partir en manœuvres. » J'ai publié dans mon premier mémoire le texte véritable de ce bordereau, dont l'exactitude a été confirmée par la publication d'un fac-simile de la pièce elle-même, dans le journal le Matin du 10 novembre 1896. Nul, depuis sa publication, n'a tenté d'ailleurs d'en nier l'authenticité, et elle n'était pas niable puisque c'était M. le général Mercier, détenteur (à quel titre?) de plusieurs pièces relatives au procès Dreyfus, qui l'avait communiqué au Matin, de même qu'il avait communiqué à l'Eclair certains faits et documents sur lesquels nous reviendrons tout à l'heure (1). Il me sera permis à ce propos de faire observer que c'était celui qui s'était avec le plus d'énergie opposé à la publicité des audiences, sachant que devant tous la lumière aurait éclaté, amenant l'acquittement du capitaine Dreyfus et la condamnation du ministre de la Guerre, qui, sans preuves, par légèreté d'abord, par lâcheté et tactique de politicien ensuite, l'avait laissé poursuivre, il me sera permis, dis-je, de faire remarquer que c'est M. le général Mercier qui le premier a violé le huis clos nécessaire selon lui au salut de la France, comme si le salut d'une nation pouvait dépendre d'une iniquité! Je reproduis encore ici le texte de ce bordereau (2) : (1) J'avais imputé à tort ces communications à M. Bertillon. Je dois reconnaître que je m'étais trompé. (2) On en trouvera le fac-simile sur une feuille hors texte, à la fin de ce volume


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