Une erreur judiciaire : L'affaire Dreyfus

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ERREUR

JUDICIAIRE

aucun retard, l'arrestation du capitaine Dreyfus a été ordonnée. Ou a écrit à ce sujet beaucoup d'inexactitudes : on a dit, notamment, que le capitaine Dreyfus avait offert des documents secrets au gou vernement italien. C'est une erreur. Il ne m'est pas permis d'en dire davantage, puisque l'instruction n'est pas close. Tout ce que l'on peut répéter, c'est que la culpabilité de cet officier est absolument certaine et qu'il a eu des complices civils. » M. Leser ajoutait : « A l'état-major de l'armée, on sait, de source certaine, que Dreyfus était, depuis plus de trois ans, en relations avec les agents d'un gouvernement étranger qui n'était ni le gouvernement italien, ni le gouvernement austro-hongrois. Mais, si Von a les preuves matérielles de son infamie, on n'a pas réussi jusqu'à présent à démontrer qu'il ait été payé (1). » Rien de tout cela n'était vrai. Le général Mercier n'avait en sa possession, comme nous le verrons tout à l'heure, que des expertises contradictoires. Quant aux « rapports accablants » dont il certifiait l'existence, ni l'acte d'accusation, ni le dossier n'en contiennent trace. On n'y trouve rien, ni sur les complices civils, ni sur les prétendues relations du capitaine Dreyfus avec les agents d'un gouvernement étranger. Le général Mercier altérait la vérité, et, en prenant ainsi parti contre un accusé qui était mis dans l'impossibilité de se défendre publiquement, il commettait l'action la plus odieuse, la plus inique, la plus déloyale et la plus lâche. Il violait les principes les plus élémentaires de l'équité, il essayait d'imposer d'avance une sentence-, il subornait la justice, frappait d'impuissance la défense, trompait l'opinion; il contribuait à créer autour de l'accusé une atmosphère hostile et à former un courant de conviction qui devait amener la condamnation. Et ce rôle qu'il avait "assumé, il persista à le jouer après que le capitaine eût été condamné. Sorti de la vie politique, il continua la . (1) Le Temps du 29 novembre inséra une rectification, disant que le ministre n'avait pas tenu ces propos, car « il ne pouvait émettre un avis sur la solution d'une cause déférée à la justice militaire », et qu'il n'avait pu parler de complices civils, car si ces complices avaient existé la cause eût été justiciable de la cour d'assises et non du conseil de guerre. M. Leser, dans le Figaro du 29 novembre, répondit qu'il avait commis une erreur de rédaction eu parlant « de complices civils », le général Mercier ayant dit seulement que « des personnes civiles avaient été mêlées à cette affaire », mais n'y étaient pas << impliquées, au moins pour le moment ». Cette rectification faite, il maintenait énergiquement qu'il avait fidèlement rapporté les propos du ministre de la G-uerre et aucun démenti ne suivit son affirmation.


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