Une erreur judiciaire : L'affaire Dreyfus

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UNE

ERREUR

JUDICIAIRE

peur à l'idée qu'elle était vendue, cette foule qui bientôt hurlera à la face du capitaine Dreyfus innocent ses clameurs atroces : « A Veau! à Satory! a mort le juif! » terrible écho des haines anciennes, couvées dans les obscurs replis de la conscience et du cœur (1). Et ces manifestations ne suffisaient pas. On en organisait d'autres de nature à peser plus sûrement sur les esprits ; des meetings antisémites se tenaient en Algérie, dans lesquels on demandait que prompte justice fût faite contre le capitaine Dreyfus et contre les juifs. On répandait les bruits les plus propres a exciter les colères. Le ministre de la Guerre est, dit-on au début, le valet de la finance juive. « Les juifs ne cessent d'intriguer pour sauver Dreyfus, annonce la Libre Parole du 7 novembre. On a soustrait des pièces du dossier, on cherche a trier le conseil de guerre. C'est du reste la haute juiverie qui, contrairement à l'avis de ses chefs, a imposé Dreyfus au ministre de la Guerre. C'est à se demander si les juifs ne l'avaient pas placé exprès au poste qu'il occupait à l'état-major général dans l'espoir très arrêté qu'ilferait un jour ce qu'il afait. » (1) Il ne faut pas croire que cette férocité se soit calmée, car voici ce qu'on pouvait lire dans le Réveil algérien (journal clérical) du 19 juillet 1897 : « Nous recevons d'un de nos plus honorables concitoyens l'intéressante lettre suivante qu'il nous prie d'insérer : « Oran, 18 juillet 1897. « Monsieur le Rédacteur en chef du Réveil algérien, « Nous avons lu, il y a quelques jours, quelques-uns de mes amis et moi, une nouvelle qui nous a comblés de joie. Un lieutenant, du nom de Dreyfus, parent proche ou éloigné, mais à coup sûr parent du misérable traître en renom, s'est fracassé le crâne dans une chute de cheval. « Nous ne savons si cet officier! (dire que ces gens-là se rencontrent dans l'armée !) attendait, comme son cousin, le grade de capitaine et l'accès des bureaux de l'étatmajor, pour livrer nos plans à l'ennemi ; mais la nouvelle de sa mort nous a fait danser en rond une joyeuse bourrée et a corroboré notre foi en la patrie. « Notre premier élan de joie apaisé, nous avons songé à la généreuse bête antijuive qui a si dignement concouru à l'élimination des juifs puissants de l'organisation militaire que nous réclamons tous. « Qu'est devenu ce glorieux cheval ? C'est ce que nous nous sommes demandé avec inquiétude. « Nous craignons fort que le Lantiéri de là-bas n'exerce contre lui des poursuites et ne le traduise devant les juges correctionnels. « Aussi avons-nous recours, monsieur le Rédacteur en chef, à la publicité de votre estimable journal, pour faire connaître au maître actuel de la vaillante bête qu'un groupe d'antijuifs oranais a l'intention de la lui acheter pour lui ménager l'existence douce qu'elle a si bien gagnée. « Veuillez agréer, etc. « UN ANTIJUIF ORANAIS. »


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