Une erreur judiciaire : L'affaire Dreyfus

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L'AFFAIRE DREYFUS

appel au bon sens et à l'équité (1). Du jour où elle eut révélé l'arrestation et la détention du capitaine, elle frappa par avance de suspicion toute défense. La gazette de l'antisémitisme et ses alliées les feuilles cléricales, mentant sans scrupules, bâtirent une immense conspiration juive, dont le but était d'arracher un traître au châtiment mérité et dont le moyen était la corruption. Le premier journal qui annonça l'arrestation du capitaine Dreyfus fut la Libre Parole. La nouvelle lui en avait été apportée le 28 octobre par une lettre anonyme. Le 29 octobre 1894, le journal de M. Edouard Drumont demandait s'il était vrai qu'une arrestation importante eût été opérée. Quelques journaux reproduisirent cette note, mais seule la Libre Parole était instruite ; l'auteur de la

communication anonyme

savait ce qu'il faisait et qu'en allant frapper

à

la porte de M. Dru-

mont sa victime ne saurait échapper. Le 1er novembre, la feuille antisémite annonçait

à

grand fracas « l'arrestation d'un officier juif »

« Dès dimanche (le 28 octobre), nous étions avisés au journal de cette arrestation, mais

étant donnés la gravité des accusa-

tions, le nom et ta qualité du coupable, nous voulions, et on comprendra notre réserve, attendre le résultat de l'instruction...

»

On avait

attendu

deux

jours! Mais

la

vraie

raison de ce court silence n'était pas celle qu'invoquait la Libre Parole, car elle n'était pas capable, en la circonstance, d'accorder même ce minimum de réserve. La vérité est que le dimanche elle ne savait rien encore, sinon l'arrestation d'un officier

Israélite;

de

l'aveu même de celui qui faisait les premières révélations, la Libre Parole n'avait reçu de note précise que la veille même de la publication de son article sensationnel, et cette note, le journal ne craignait pas de la reproduire : « L'officier français arrêté pour trahison est attaché a l'état-major du Ministère de la guerre, disait ce communiqué anonyme. Il passe pour être en mission. L'affaire sera étouffée par ce que cet officier est juif. Cherchez parmi les Dreyfus, les Mayer ou les Lévy, vous trouverez. Arrêté depuis quinze jours, il a fait des aveux complets et on a la preuve absolue qu'il a vendu (1) Quelques écrivains indépendante le firent cependant, tels : M. Clemenceau dans la Justice, M. Bergerac dans le Journal, cl M. Paul de Cassagnac qui, dans l'Autorité, protesta toujours contre l'instruction secrète, !e huis clos et soutint jusqu'au jour du jugement que Dreyfus pouvait être innocent.


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