Une erreur judiciaire : L'affaire Dreyfus

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les écritures, mais bien plutôt porter toute son attention sur les dissemblances qui s'y font jour. Et, certes, il avait bien raison ! Parce que deux personnes ont, par exemple, des yeux bruns et un nez aquilin, sont-elles pour cela une seule et môme personne? Il en est de même pour les écritures. Plusieurs peuvent avoir entre elles des traits de ressemblance frappants, et cependant provenir de personnes différentes. Ainsi se fera que tel ou tel mot ou fraction de mot de l'écriture du capitaine Dreyfus pourra fort bien avoir une ressemblance marquée avec le même mot ou fraction de mot de l'écriture incriminée, sans que cela tire à conséquence. Cette constatation n'a rien encore de concluant, car, je le répète, quantité d'écritures se ressemblent, et il sera toujours possible de leur trouver tel ou tel trait commun. Non, avec cette manière-là de procéder, on ne peut que patauger. On en est réduit à de simples conjectures ou présomptions, et, fait grave, on court grand risque, en influençant les juges, de faire condamner les innocents en laissant échapper les vrais coupables. A ma connaissance, plus d'une fois déjà, ce cas s'est présenté. Mais, depuis la découverte de la graphologie, il existe fort heureusement un moyen bien autrement sûr d'arriver au but que l'on se propose, soit de pouvoir constater l'identité de la personne incriminée... ou son innocence. Il se trouve, en effet, qu'à notre insu, tous, du plus au moins, nous avons dans notre écriture certaines lettres, certains traits particuliers, originaux, parfois même bizarres, appelés en termes techniques « idiotismes », que nous n'avons appris sur les bancs d'aucune école, mais que, sans nous en rendre compte, nous nous sommes fabriqués nous-mêmes. Or, ces particularités-là de nos écritures, bien entendu lorsqu'elles sont constantes, se répètent fréquemment, nous trahissent et aident à faire établir notre identité, tout aussi sûrement que le feraient, par exemple, pour nos personnes, de certaines marques particulières sur notre visage. L'essentiel est donc de savoir découvrir ces « idiotismes ». Il en existe dans toutes les écritures, mais parfois ils sont fort peu visibles. Dans le document incriminé, il s'en trouve heureusement de nombreux et fort bien caractérisés. Mais auparavant, un point à éclaircir est de savoir si peut-être ce dit document serait l'œuvre d'un faussaire, s'il est d'une écriture contrefaite, déguisée. Et ici, deux suppositions se présentent. Ou bien le capitaine Dreyfus aura cherché à donner le change en contrefaisant son écri-


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