Une erreur judiciaire : L'affaire Dreyfus

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UNE

ERREUR

JUDICIAIRE

prendre ces mêmes éléments en partant de la dernière ligne de chacun des documents, ou de la lig-ne médiane des contextes, soit en remontant, soit en descendant. Il suffit d'un coup d'œil jeté sur ce double tableau pour constater que les caractères différentiels l'emportent au moins de beaucoup sur les analogies. La lettre A informe et pâteuse de la pièce de question ne ressemble en rien aux lettres ouvertes et plus ou moins claires des pièces de comparaison. La lettre P de la pièce de question, également empâtée et informe, ne contient même pas l'intention des mêmes lettres bien détaillées et bien mouvementées des pièces de comparaison ; il en est de même de la lettre Τ lourde et assortie d'une barre spatulée, alors que celles des pièces de comparaison sont caractérisées par des barres plus ou moins ascendantes ou légères, placées plus hautes sur la hampe ou en regard. La lettre S par contre semble présenter une certaine analogie tout au moins avec la même lettre de 1890 et de 1895, tout en différant morphologiquement de la forme de 1893 et une pareille analogie morphologique se montre par exemple dans toutes les lettres V. Quoi qu'il en soit de ces deux analogies constatées par le procédé d'expérimentation, et en raison des caractères différentiels révélés par le même procédé et qui leur sont opposables, la formule d'identification proposée par M. Bertillon sous cette forme arithmétique : 92 164 199 500 1000 000 000 000 n'est pas applicable dans l'espèce, et si la probabilité qu'il se rencontre un écrivain présentant les cinq formes graphiques A, P, S, Τ, V, est représentée arithmétiquement par une probabilité contre dix mille environ, ce qui équivaudrait à une conclusion d'identité à peu près sans restriction, il y aurait presque à en inverser les termes dans l'espèce en se restreignant au petit tableau des lettres. En tenant compte de la comparaison et de l'examen des éléments du tableau des syllabes, le nombre des probabilités d'identité diminuerait encore au fur et à mesure que celui des caractères différentiels augmenterait et il ne paraîtrait pour ainsi dire pas douteux que la pièce de question et les pièces de comparaison n'ont pas été écrites par la même main. Si, en effet, la syllabe « da » ne peut être l'objet d'aucune comparaison ni résultat ni pour ni contre, puisqu'elle est absente des pièces de comparaison, la syllabe « de » de la pièce de question ne présente aucune analogie avec celle des pièces de comparaison, la syllabe « di » ne trouve qu'une seule analogie en 1893, contre deux différences de monogrammes en 1890 et 1895 ; la syllabe « do » est


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