Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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DUDIX-HUITFRUCTIDOR.341 soit son procès-verbal d'avance pour n'être point obligé de s'arrêter avant notre embarquement. Cette disposition nous accabla : cependant nous eûmes la force de taire à nos compagnons le cruel secret que nous venions de surprendre. Nous voulûmes leur épargner les déchirantes réflexions auxquelles nous fûmes en proie le reste de la n u i t , et pendant notre route pour Rochefort. Nous arrivons sous ses murs le 21 septembre, entre trois et quatre heures du soir. Le convoi quitte la chaussée de la ville, défile sous les glacis, où une foule immense de curieux nous attendoit, tourne la place, et se dirige vers les bords de la Charente. Quelle affreuse surprise pour ceux qui n'étoient pas préparés à ce raffinement de cruauté! Les victimes seules peuvent en concevoir toute l'horreur. Arrachés la plupart, hélas ! pour jamais à tous les objets de nos affections , dénués des choses les plus nécessaires, nous allons être lancés sur les mers, et soumis à tous les risques d'une navigation dont nous ne pouvons plus apercevoir le terme! Quelques centaines de matelots et de forcenés , déshonorant l'uniforme de la marine , se placent en haies au moment où l'on nous tire de nos cages, que nous sommes réduits à regretter. Les cris féroces à Veau, à l'eau, a bas les tyrans, faites les boire a la grande tasse, se font entendre : les plus sinistres présages nous environnent : nous les invoquons en traversant celle troupe hideuse, et nous arrivons à la planche qui doit nous passer du bord de la rivière dans le canot.


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