Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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HISTOIRE

en Suisse suffit à leur sûreté, et convient à leur propre in érêt. Eh bien ! nous nous trompions tous, et les hommes probes se tromperont toujours quand ils voudront calculer la marche des scélérats , et les divers degrés du crime. L'erreur cessa peu d'instans après pour trois de nous : couchés au premier étage sur des matelas étendus à terre . nous n'étions séparés de la pièce de dessous que par un plancher si mal joint qu'il étoit impossible de ne pas voir ce qui s'y passoit. Ce fut précisément dans cette pièce que se placèrent le commandant, deux autres officiers et le secrétaire C . . . ; Pichegru, Aubry et moi, couchés près les uns des autres, très-peu disposés au sommeil, nous découvrîmes une fente assez large pour observer ces messieurs. Leur souper beaucoup plus copieux que le nôtre , fut long et assaisonné de plaisanteries dont notre situation étoit le principal sujet. A minuit et demi l'officier de marine fit remarquer qu'il étoit tard , et qu'il falloit s'occuper de l'opération. O n prit donc des plumes , du papier , et le zélé C. se mit en devoir d'écrire sous la dictée du commandant... Qu'entendîmes-nous ? un procès-verbal qui constatoit que conformément aux derniers ordres du Directoire, nous n'étions sortis de nos voilures que pour entrer dans le Brillant, brigantin préparé à Rochefort pour nous recevoir. Il est vraisemblable que ce terrible ordre, dicté par la peur qui poursuivoil nos tyrans, étoit arrivé avec celui d'arrêter Dutertre, et que le commandant dres-,


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