Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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HISTOIRE

fixé par une commission militaire nommée par le Directoire lui-même. Le décret les accabla , et il fut impossible de les encourager par notre imperturbable résignation, parce que l'humeur que l'indulgence de nos juges donna au commandant nous valut une mise au secret ; il ne nous fut plus permis de sortir de nos chambres jusqu'à nouvel ordre. Heureusement nos épouses obtinrent au moins pour elles quelque modification à cette barbare sévérité; mais ce ne fut pas sans essuyer tout ce que l'impudence et la cruauté ont de plus amer. De quoi vous plaignez-vous, leur disoit l'un de ces insolens proscripteurs, vos maris méritoient la mort, et ils ne seront que déportés... Pouvoit on les traiter avec plus de douceur , ajoutoit l'autre, lorsqu'on auroit du lesfusiller.... La déportation n 'a rien d'alarmant, surtout dans le pays où on les conduit ; c'est un des plus beaux du monde, observoit avec un sourire ironique l'honnête B.... Madame de Murinais s'adressa à M. dans l'espoir de le toucher en faveur de son mari, courbé sous le poids de l'âge et des infirmités : elle employa celle éloquence touchante qui part du cœur, et qui a tant de force dans la bouche d'une femme. M. parut un instant ému ; quelques larmes lui échappèrent, et il promit tout.... O u i , dût-on ne le pas croire, le fait est certain. M. laissa couler deux ou trois larmes : ce fut une surprise, et il s'en justifia en proposant le premier l'ordre du jour sur la réclamation. Les portes de notre prison se rouvrirent encore pour nos épouses, et l'amitié se joignit à la tendresse


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