Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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HISTOIRE

rai lient sur la lisière du bois le plus rapproché du village ; dès que les habitans entendent le prélude des flûtes, ils se cachent également, parce qu'ils sont persuadés que le premier qui voit les danseurs et les symphonistes quand ils sortent du bois, mourra dans l'année : ils sortent donc tous à la fois , et se rendent en jouant et dansant au tapoui : ils y sont bientôt joints par les habitans. L'orchestre qui consiste toujours au moins en huit flûtes, et souvent en trente ou quarante, s'établit, et la danse commence. Mais quelle danse ! Qu'on se figure une troupe nombreuse de convulsionnaires s'agitant d'une manière souvent plus que lascive , au bruit des raugissemens d'une trentaine de taureaux; on aura une idée de ce bizarre spectacle. Ce n'est que lorsqu'on tombe de lassitude, qu'on pense à manger et à boire. Ce dernier point est porté au plus brutal excès ; des jarres énormes remplies de chica, sont vidées jusqu'à la dernière goutte, dussent les convives en périr, accident qui deviendroit fréquent, s'ils n'avoient pas leur vomitorium. C'est un coin du carbet, consacré à se soulager, tant qu'on peut s'y traîner ; mais quand l'ivresse est à son dernier degré, les convives se mettent dans leurs hamacs, et alors commence une nouvelle scène. Chaque femme va puiser à la jarre, remplit de liqueur le vase de son mari, le lui apporte eu chantant, dansant et faisant toutes sortes de contorsions. Ce n'est qu'à ce moment qu'il lui est permis elle-même d'en boire ; mais avec beaucoup plus de sobriété. Cet exercice éprouve peu d'interruption, et ne finit qu'avec la liqueur, qu'ils restituent, heureuse-


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