Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

Page 222

472

HISTOIRE

et qu'il se vit maître des baïonnettes, il déchira le d'Aréna , l'un de ses adversaires les plus ardens, il tomba dans un abattement complet, et que Lucien eut besoin , pour relever le courage du général, de toute l'énergie que donna au législateur le danger de sa situation. Ce début, et la manière dont il a terminé sa carrière polit i q u e , attestent que les circonstances ont fait beaucoup plus que lui-même pour sa gigantesque élévation : encore les a-t-il plus d'une fois évidemment gâtées. Cette ardeur guerrière, qui depuis trente ans transporte l'universalité des Français, et est devenue la cause première de sa haute fortune, est-elle donc son ouvrage, ainsi que l'ont prétendu quelques adulateurs ? L'impulsion ne remontoit-elle pas aux premiers jours de la révolution ? Nos plus célèbres généraux ne l'avoient-ils pas devancé dans la carrière de la gloire ? Ceux mêmes qui ont combattu le plus long-temps sous ses o r d r e s , et qui ont le droit de revendiquer la part la plus brillante de ses triomp h e s , peuvent-ils être regardés comme formés à son école? N'ont-ils pas ramené la guerre à ses véritables règles et obtenu des succès plus réels, et surtout moins meurtriers, toutes les fois qu'ils ont pu affranchir de son autorité leurs opérations militaires ? Buonaparte, au contraire, n'a-t-il pas fait le plus étrange abus de ce courageux élan national, qui n'auroit dû servir qu'à consolider la vraie liberté, la grandeur et la p r o s périté «le la France ? La tactique militaire elle-même ne s'estelle pas ressentie de la dangereuse influence de son fougueux caractère ? La guerre , avant l u i , étoit un art dans lequel entroient essentiellement les moyens d'épargner les hommes. Sous ce nouvel Attila, elle s'est souvent réduite à des massacres : aussi des armées ne suffisoient-elles plus. C'étoient des générations entières qu'il faisoit précipiter les unes sur les autres, dans l'intérêt seul de son ambition; et où cette ambition délirante prenoit-elle sa source ? La cherchera-t-on dans ces nobles sentimens qui enflammèrent les Cyrus, les Alexandre, ces funestes mais illustres conquérans ? Son âme n'étoit pas


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.