Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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DU DIX-HUIT FRUCTIDOR.

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et c'est là que dans l'asile du crime je dois trouver des anges. Dieu puissant ! et je pourrois encore me plaindre ! Ah ! que ma bouche ne s'ouvre plus pour murmurer. Créateur! que ta bonté m'éclaire, qu'elle guide mon cœur, et que je sois enfin digne de parcourir la nuit du tombeau avec ces hommes prédestinés , avec ces vertueux compagnons d'infortune. Mon père , je n'ai plus le droit de vous parler de moi. Ces vieillards vénérables, dont je suis fier de partager le sort, m'ont appris à souffrir ; c'est à Rochefort que je les ai trouvés. Le cachot où je fus jeté renfermoit déjà huit ministres de la religion, et avec eux toutes les vertus.... Il étoit nuit quand j'entrai dans ce séjour funèbre ; une lampe y répandoit sa lueur sépulcrale. Quel spectacle ! Des vieillards couchés sur le carreau.... Ils n'avoient qu'un peu de paille pour reposer leur tête, et cependant ils dormoient tous ! L'innocence sommeille si aisément ! . . . Bientôt mes regards se fixèrent involontairement sur l'un de ces infortunés ; un visage céleste, de longs cheveux blanchis par les années , tout en lui commandoit la vénération. C'étoit Don Louis, de l'Ordre de Saint-Bruno. A sa vue , saisi d'un saint respect, je m'approche. Je tombe à genoux devant lui, et je promets à Dieu de consacrer mes soins à ce vieillard. Il s'éveille, m'aperçoit, lève les yeux au ciel; puis me tendant la main : « O mon fils, me dit-il, » vous êtes aussi l'enfant du Seigneur; que la foi » vous soutienne dans la persécution , et que Dieu » soit toujours votre consolateur..,. » Ses compagnons d'infortune ne dorment plus; ils s'unissent à 2

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