Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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HISTOIRE

de tant de vœux, prix de tant de souffrances et de dangers. Tout ce qui nous est cher nous y appelle, nous y tend les bras... Malheur à nous si le sentiment nous entraîne ! Nous n'avons fui une mort incertaine que pour courir à une mort assurée : l'échafaud nous attend ; il doit être la récompense du courage. Enfin le 21 septembre 1798 jour anniversaire de notre embarquement à Rochefort, nous jetâmes l'ancre dans la rade de Déal. Que d'années pour nous dans cette année ! Seul des seize déportés , j'avois échappé aux maladies graves ; mais ma santé s'étoit fort affoiblic : celle de mes compagnons avoit perdu beaucoup plus encore ; enfin Pichegru étoit réduit à un tel état de foiblesse, qu'il se trouva mal trois fois en passant de la frégate sur le vaisseau amiral où nous fûmes placés, jusqu'à ce qu'on eût pris les ordres du Gouvernement. Nous y retrouvâmes tous les bons procédés, toutes les prévenances dont nous avoit comblés M. Lobb : on ne nous y laissa pas long-temps. Le 27 , un cutter vint nous chercher, et nous conduisit à Londres. Le lendemain de notre arrivée , nous fûmes invités à nous rendre chez M. le due de Portland, alors ministre de l'intérieur et chargé des affaires relatives aux étrangers. Pichegru , hors d'état de nous accomgleterre : nous apercevions très-distinctement Boulogne. On n e sauroit se peindre l'effet que produisit sur nous la vue de cette terre que nous ne pouvions plus aborder sans y trouver le dernier supplice : aussitôt que Je Directoire avoit appris n o t r e évasion, il nous avoit mis sur la liste des émigrés, et s'étoit emparé de nos biens.


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