Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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HISTOIRE

et, quoique très-exacts à suivre le conseil du capitaine anglais , nous n'en fûmes pas moins salués à la pointe du jour par un coup de canon. C'étoit encore un corsaire qui nous chassoit. Nous essayons de l'éviter : un boulet siffle au-dessus de nos têtes. Nous insistons, un troisième boulet frappe notre gouvernail ; il échappe au pilote, et nous sommes emportés par les courans de la rivière de Corentin dans les eaux de laquelle nous nous trouvions. Nous allions chavirer si un matelot n'eût pas ressaisi le timon: enfin nous amenâmes ; mais quelle fut notre terreur quand nous n'aperçûmes que des nègres sur le pont, et que nous nous entendîmes héler en français ! Nous savions que les équipages des vaisseaux que nous redoutions n'étoient composés que de noirs : nous ne doutâmes plus de notre malheur ; nous regrettions presque de n'avoir pas péri ; enfin nous prîmes la résolution désespérée de nous emparer du bâtiment à quelque prix que ce fût avant d'arriver à la Guadeloupe. Pendant que nous nous concertions ainsi, le capitaine mit son canot à la mer pour se rendre à notre bord. M. de Badenbourg , guère moins inquiet que nous , fixe le canot, et s'écrie avec une joie qui nous électrise : Bonjour, capitaine Anderson, comment vous portez-vous ? Ce capitaine étoit Anglais , et avoit peu de temps auparavant visité à la hauteur des Canaries un bâtiment sur lequel se trouvoit M. de Badenbourg. Des qu'il sut qui nous étions, il nous témoigna beaucoup d'intérêt, et nous offrit de nous escorter jusqu'à Saint-Thomas , si nous voulions l'attendre seulement


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