Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

Page 165

DU DIX-HUIT FRUCTIDOR.

415

lorsque nous rencontrâmes un détachement de 25 hommes qui avoit ordre de s'emparer de nous, et de nous amener au fort, trajet au-dessus des forces de presque tous nos autres camarades. La démarche que nous faisions rassura l'officier du détachement, et il consentit à revenir avec nous au poste prendre de nouveaux ordres. Nos passe-ports, et notre exposé persuadèrent le commandant ; il nous prit pour des colons naufragés; notre état pitoyable le toucha, et l'intérêt que nous lui inspirions doubla, quand nous le priâmes de faire parvenir une lettre au gouverneur, M. Frédérizi, dont plusieurs de nous étoient parfaitement connus. Il ne fut plus question d'envoyer de la force armée, mais des hommes pour raccommoder notre pirogue , et des vivres pour restaurer nos compagnons. En effet, dix mulâtres ou nègres partirent sur-le-champ chargés d'outils et de comestibles. Quant à M. Barthélemi et moi, tous les soins nous furent prodigués, et malgré notre extrême fatigue nous retrouvâmes dans notre courage assez de forces pour aller partager avec nos camarades, la joie d'une réception aussi favorable. Toute l'adresse et la diligence de nos ouvriers ne purent mettre notre pirogue en état qu'à la nuit. Nous n'aurions pas hésité à nous rembarquer de suite, si la marée nous l'eut permis. Il fallut nous résigner à passer encore douze heures au milieu de nos feux et de nos essaims d'insectes. Mais l'espérance avoit succédé à nos vives inquiétudes, et nous goûtâmes enfin pendant quelques heures les douceurs d'un sommeil qu i nous étoit bien nécessaire.


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.