DU DIX-НUIТ
FRUCTIDOR.
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Enfoncés dans la vase , inondés à ch aque seconde par les vagues, nous nous relayions par tiers quand les for ces nous abandonnoient : lutte horrible ! Elle dura deux heures, et se termina bien cruellement : les élémens conjurés nous arrach èrent enfin notre dernière espé rance; avec la pirogue , disparurent nos armes et les restes de nos provisions. Où étionsnous ? Vraisemblablement sur une côte déserte: comment en sortironsnous ? Quels seraient nos moyens d'existence? Telles furent nos premières réflexions. Nous n'en fûmes distraits que par les h ur lemens des tigres dont il fallut nous garantir: nous nous h âtâmes d'entourer la place que nous occupions, de bois sec auquel nous mîmes le feu avec un briquet que Pich egru avoit sauvé du naufrage. Mais cette pré caution indispensable à notre sûreté nous exposa à l'insupportable torture de la piqûre d'insectes dévorans attirés par le feu. Ils nous couvraient de la tête aux pieds. Nul moyen de nous en défendre ; nous étions presque tout nus : le pauvre Barrick surtout en fut si maltraité, qu'il faillit en périr. La nuit avoit été affreuse : le jour le fut peut être encore davantage. Il nous découvrit toute l'h or reur de notre situation. Notre pirogue jetée à 400 pas de nous, sur le rivage, étoit brisée : nulle trace h u maine ne s'offrait à nos yeux : le besoin nous pressoit ; rien pour le satisfaire : les bois qui bordoient la plage étoient inaccessibles ; tout ce qui nous environnoit paroissoit frappé d'une éternelle stérilité : quelques co quillages restés dans la vase, quelques reptiles trouvés