Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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DU DIX-HUIT FRUCTIDOR.

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nous la prendrions quelquefois pour faire des promenades, qu'il feindroit d'en être mécontent et même s'en plaindroit au poste : enfin il se chargea de nous procurer deux indiens , sous prétexte d'une course de deux ou trois jours dans l'intérieur des terres. Ces arrangemens conclus, nous nous attachâmes à détourner l'attention de nos gardiens, du brave homme à la générosité duquel nous allions devoir la vie et la liberté. Nos relations devinrent plus rares, et nous parûmes attacher plus d'importance à la promesse du Maire. Nous devînmes presque pressans; nous ne voulions pas surtout que le mois d'août nous trouvât à S i namary ; il en prit de nouveau l'engagement, mais sans mettre plus d'activité à le remplir. Les querelles que nous lui en faisions quelquefois nous amusoient beaucoup. • Tout nous présageoit donc une prochaine délivrance ; mais des regrets amers se mêloient aux charmes de cette douce perspective. L'état de MM. Tronçon et Lafond empiroit chaque jour. Depuis trois semaines, ils ne quittoient plus leur grabat. Placés dans la même case en face l'un de l'autre, leurs souffrances sembloient leur être communes. Quel tableau! Quel affreux abandon pour des époux, pour des pères! M. Lafond surtout déchiroit l'ame par ses touchans et fréquens r e tours vers sa femme et ses enfans. Il n'étoit plus aussi éloigné de nous accompagner, mais son état s'y opposoit absolument. Nous nous en affligions d'autant plus que nous redoutions beaucoup pour lui l'impression de notre départ. Nous l'y préparâmes peu à peu afin d'en


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