Histoire du Dix-huit fructidor : deuxième partie

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HISTOIRE

plus d'une fois il nous avoit témoigné d'une manière bien franche le désir de nous voir éloigner d'une terre qui nous dévoreroit infailliblement. Il faisoit avec Cayenne et Surinam une espèce de cabotage qui l'avoit mis dans le cas de nous rendre quelques services. Le zèle et la discrétion qu'il y avoit apportés ne nous permettoient pas de douter de son dévouement : enfin il se servoit pour ses voyages d'une pirogue assez grande pour nous contenir , et il pouvoit nous procurer pour conducteurs les Indiens qu'il employoit lui-même dans ses courses. Cet ensemble de circonstances étoit bien séduisant. Mais comment faire à cet honnête homme une proposition qui exposoit sa fortune , sa personne même à la fongueuse vengeance de l'Agent? Etoit-il prudent de livrer notre secret au risque d'essuyer un refus ? Un nouvel incident leva nos scrupules , et maîtrisa nos craintes. Les ministres de la cruauté directoriale, toujours inquiets de l'espèce d'ascendant que nous prenions sur les individus placés pour nous tourmenter, et étonnés de ce que le climat opéroit si lentement sur les généraux Pichegru , W i l l o t et Aubry, qui leur étoient plus particulièrement recommandés , voulurent s'assurer d'une manière exacte de notre situation morale et physique. Une aussi importante mission ne pouvoit être confiée qu'à un homme bien capable de la remplir. Le choix dut tomber sur le commandant de la garnison. Nous le vîmes arriver un soir, au moment ou la plupart de nous se promenoient sur la pelouse dont j'ai déjà parlé: sa subite apparition nous pétrifia. Nous


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