DU DIX-HUIT FRUCTIDOR.
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La frayeur s'empara de l'équipage, et le capitaine se vit forcé de mouiller dans la rade de Blaye. Le lendemain matin il me fit demander : je me rendis à la chambre du Conseil, où en présence des officiers il me dit : Voici un paquet de lettres qui m'a été apporté pour vous, citoyen , je n'ai pas voulu l'ouvrir quoique j ' y sois autorisé , bien persuadé qu'il ne contient rien de répréhensible — J e vais , Monsieur, l'ouvrir devant vous : Grand Dieu ! une lettre de ma femme ! des lettres pour mes compagnons d'infortune ! E t par quel prodige ces lettres vous sont-elles parvenues ? — Deux jeunes gens dont l'un s'est dit votre beau frère, et l'autre, f i s de M . Lafond, les ont apportés à bord. — E t il ne leur a pas été permis de nous voir, peut-être pour la dernière fois!— J e ne le pouvois p a s , et l'officier qui montait le lougre m'en a renouvelé la défense. J e suis aussi dépositaire des effets et de l'argent que vous voyez : les noms de ceux a qui ils appartiennent sont dessus ; mais je ne dois vous remettre le tout qu'au débarquement.— Les lettres, Monsieur, sont les objets qui nous intéressent le plus : gardez le reste puisque vous en avez tordre : donnez - en seulement une reconnaissance. — Rien de plus juste : j e l'avois faite d'avance ; la voici. Le mauvais temps ne nous avoit pas permis de penser à sortir de notre réduit. Mais les vents ayant molli le 25 , nous demandâmes la liberté de prendre un peu l'air sur le pont. Le capitaine consentit à ce que moitié de nous y montât pendant deux heures, et fût remplacée par l'autre moitié pendant le même espace de temps. I1 nous fut défendu de passer le grand mât, et de nous