Histoire du Dix-huit fructidor : Première partie

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DU DIX-HUIT FRUCTIDOR.

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villes du Royaume avoient payé leur tribut à cet affreux

venoit de confier à ses soins ; et voulant dignement remplir les augustes fonctions dont elle se trouvoit chargée, elle appela la religion à son secours, et sut inspirer à sa noble élève tout le c o u r a g e , toute la résignation qu'exigeoit sa situation doulour e u s e ; elle achevoit de former son cœur et son esprit par des leçons sagement adaptées à l'âge de Madame ; elle la disposoit à s u p p o r t e r , sans être éblouie, le passage du comble de l'infortune à la félicité que devoit lui procurer son retour dans sa famille. Hélas ! cette noble institutrice osoit se flatter de partager un jour ce bonheur. Elle ne regardoit sa nièce et elle-même que comme des otages qui serviroient aux factieux à se ménager u n e paix dont eux-mêmes éprouveroient sans doute le besoin; elle pouvoit croire au moins qu'ils avoient oublié le rang dont elles étoient d é c h u e s ; car la table plus que frugale des P r i n cesses ne se couvroit que d'alimens grossiers, et leurs vêtemens, plus grossiers e n c o r e , seroient tombés en lambeaux, sans le soin continuel que prenoit Madame Elisabeth de réparer sans cesse les outrages que le temps ne cessoit d'y faire. Plus de six mois s'écoulèrent ainsi : l'on étoit arrivé à la soirée du 9 mai 1794 : le printemps qui venoit de renaître, ouvroit l'ame des illustres captives à de nouvelles espérances; elles formoient entres elles des projets pour l'amélioration autant que possible de leur existence monotone. Tout-à-coup le bruit des clefs et des verroux viennent leur rappeler l'excès de leurs maux; des hommes à figure atroce se précipitent dans la chambre, et ordonnent à Madame Elisabeth de les suivre.» Que voulez-vous » de moi, leur dit-elle avec une douceur angélique ? — Nous » avons l'ordre de t'emmener. — Où la conduirez-vous , s'écrie » M a d a m e , avec l'accent du désespoir? — Cela ne te regarde » pas. — Je veux la suivre, je veux partager le sort de ma tante, » de mon amie ! — Ce n'est pas toi qu'on demande, c'est elle. — » Au moins, reprend celle qui déjà présage son sort, laisscz» moi le temps de m'habiller.— C'est bien inutile ; mais si tu as 16*


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