Histoire du Dix-huit fructidor : Première partie

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HISTOIRE

La fortune publique qui se composoit déjà des biens Roi ne purent toucher ces ames féroces. Les mets les plus gros siers composoient sa nourriture, et ils lui étoient plutôt jetés que donnés par une espèce de guichet pratiqué a sa chambre, pour éviter d'en ouvrir les portes. Privé de linge, couvert de haillons, hors d'état de remuer son grabat et de nettoyer sa chambre, il couchoit au milieu d'élémens de putréfaction : des maladies de peau , des ulcères, furent le résultat de cette malpropreté et du mauvais air qu'il respiroit ; enfin l'impudique, l'exécrable Simon mille comble à ses infamies, dans l'intention criminelle d'abrutir l'auguste martyr, et de jeter le désordre dans ses facultés morales. Il ne put cependant parvenir à détruire les germes de vertu héréditaire qui commençoient à se développer dans son ame ; car lui ayant dit un jour : Capet, si les Vendéens te délivroient, que me ferois-tu ?.... Je vous pardonnerois, lui répondit le jeune Prince. Les révolutionnaires furent moins indulgens, et l'envoyèrent à l'échafaud, non pas pour son horrible conduite envers le Dauphin qu'ils désignoient sous le nom de louveteau, mais pour avoir appartenu à une faction qu'ils vouloient détruire. Le jeune Roi ne gagna rien à ce changement : abandonné aux geoliers, il trouva en eux des cerbères non moins ingénieux que Simon à le tourmenter. Ils se faisoient un jeu barbare de crier par le guichet, pendant la nuit, dès qu'ils le soupçonnoient endormi : Capet, es-tu là ? dors - tu ? — Me voilà , répondoit l'enfant encore assoupi et tremblant.— Viens ici, que je te voie. Le petit infortuné accourant tout nu et transi, leur disoit : Me voici ; que me voulez-vous ?— Te voir; c'est bon , va te recoucher. Le sort du Dauphin s'améliora cependant après la chute de Robespierre ; il reçut des concierges Laurent, Gonin et Lanes, un traitement aussi doux que le permettoit leur position. Mais il n'étoit plus temps : l'altération des traits du Prince, son extrême pâleur, l'affaissement de son corps, des ulcères malins annonçoient qu'il étoit mortellement frappé. Aussi ce changement


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