DU DIX-HUIT FRUCTIDOR.
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Quel fut le secret désespoir de M. Necker en voyant s'évanouir si promptement une influence pour laquelle il avoit tout sacrifié ! Combien durent s'accroître les prétentions des factieux ! ils ne connurent plus de mesure : les forfaits impunis de la capitale se reproduisirent dans toutes les provinces ; le fer et la flamme furent portés dans les châteaux au nom de la liberté et de l'égalité. L'assemblée ferma long-temps l'oreille aux cris douloureux d'une noblesse qu'on assassinoit, qu'on dépouilloit de toutes parts. Cependant les excès se multipliant, l'incendie augmentant de jour en jour et menaçant de c o u vrir de cendres la plus grande partie du royaume , il fallut sortir de cette coupable apathie, et s'occuper des moyens de réprimer des maux qu'on ne pouvoit plus tolérer sans encourir l'indignation de l'univers, et surtout sans exposer quelques-uns des chefs des factieux eux-mêmes. O n proposa de déclarer que les
lois
anciennes subsistoient,
jus-
et devoient être exécutées
qu'à ce que l'autorité de la nation les eût abrogées ou modifiées,
etc. Mais ce décret, en ramenant l'ordre
y
auroit fait perdre le fruit des soulèvemens qu'on avoit excités dans les campagnes : il étoit essentiel de p r o fiter de la terreur qu'ils avoient jetée dans l'ame des persécutés ; on provoqua donc des sacrifices de la part de la noblesse et du clergé. L'effet en fut prodigieux : jamais on ne vit autant d'ardeur à recueillir de grands avantages qu'on n'en montra dans cette circonstance à s'en dépouiller. Chaque membre de ces deux Ordres enchérissoit sur celui qui .l'avoit précédé à la tribune.
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