Jésuites

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PIÈCES JUSTIFICATIVES

troisième, assez- distingué dans ma classe, mais j'avais deux ou trois rivaux; Amalvy n'en avait aucun. Je n'avais point acquis dans mes compositions cette constance de succès qui nous étonnait dans les siennes, et j'avais encore moins cette mémoire facile et sûre dont Amalvy était doué. Il était plus âgé que moi ; c'était ma seule consolation, et mon ambition était de l'égaler lorsque je serais à son âge. En démêlant autant qu'il m'est possible ce qui se passait dans mon âme je puis dire avec vérité que dans ce sentiment d'émulation ne se glissa jamais le malin vouloir de l'envie. Je ne m'affligeais pas qu'il y eût au monde un Amalvy, mais j'aurais demandé au ciel qu'il y en eût deux, et que je fusse le second. « Un avantage plus sérieux encore que l'émulation était, dans ce collège, l'esprit de religion qu'on avait soin d'y entretenir. Quel préservatif salutaire pour les mœurs de l'adolescence, que l'usage et l'obligation d'aller tous les mois à confesse! La pudeur de cet humble aveu de Ses fautes les plus cachées en épargnait peut-être un plus grand nombre que tous les motifs les plus saints. « Ce fut donc à Mauriac depuis onze ans jusqu'à quinze que je fis mes humanités, et en rhétorique, je me soutins presque habituellement le premier de ma classe. Ma bonne mère en était ravie; lorsque mes vestes de basin lui étaient renvoyées elle regardait vite si la chaîne d'argent qui suspendait la croix avait noirci ma boutonnière, et lorsqu'elle y voyait cette marque de mon triomphe, toutes les mères du voisinage étaient instruites de sa joie; nos bonnes religieuses en rendaient grâces au ciel, mon cher abbé Vaissière en était rayonnant de gloire. Le plus doux de mes souvenirs est encore celui du bonheur dont je faisais jouir ma mère... »


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