Jésuites

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COUP D'OEIL SUR L'AVENIR

essuyer ; plus de front à incliner en rougissant sous les regards méprisants des visiteurs; plus de livrée ignominieuse à porter, pantalon jaune, casaque rouge, bonnet de laine indiquant la condamnation ; plus de chaînes ni de boulets à traîner; plus d'accouplement des lors avec un compagnon d'infortune auquel on se voyait honteusement rivé ; plus de ramas surtout (1) ; mais des vêtements comme tout le monde, une case, un hamac la nuit, un champ avec de vastes horizons, de l'air, du soleil, une demi-liberté ! « C'en était plus qu'il fallait pour enivrer de joie les condamnés. D'autant plus qu'en passant en Guyane, beaucoup croyaient entrer dans l'Eden, tant les descriptions qu'ils s'en faisaient les uns aux autres étaient merveilleuses ! Mais les aumôniers savaient mieux à quoi s'en tenir. L'eussent-ils ignoré, il leur aurait suffi de parcourir les fastes de leur Ordre pour être fixés sur la prétendue salubrité de ces forêts luxuriantes ou de ces îlots séducteurs. La Guyane, évangélisée par les anciens Jésuites, était riche de (1) Voici comment un des missionnaires de Cayenne dépeint le ramas qui avait lieu dans les anciens bagnes : « A la tombée du jour, un coup de canon partait du vaisseau amiral, donnant le signal du coucher. Aussitôt les forçats s'entassaient dans les salles et dans les pontons : les grilles de fer criaient sur leurs gonds et se fermaient, pendant qu'à l'intérieur comme à l'extérieur des sentinelles veillaient le fusil chargé et prêtes à faire feu. Les hommes s'étendaient sur un lit de planches nues, serrés les uns près des autres, sur un espace qui mesurait 50 à 60 centimètres au plus. Ils étaient là cent, deux cents et deux cent cinquante, tous placés sur la même ligne Alors un garde-chiourme prenait le dernier anneau de la chaîne de chaque condamné et l'enfilait dans une épaisse barre de fer aussi longue que la salle, dont il fixait ensuite solidement les deux extrémités au pavé par des crampons et des cadenas. Les hommes demeuraient ainsi attachés sur place et contraints à l'immobilité jusqu'au lendemain. — C'était le ramas. »

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