Jésuites

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EXAMEN DU PRÉSENT

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délicatesse qu'on doit à un hôte étranger et triste de son isolement parmi eux ; ils m'abordèrent timidement et cordialement ; ils m'initièrent doucement aux règles, aux habitudes, aux plaisirs de la maison ; ils semblèrent partager, pour les adoucir, les regrets et les larmes que me coulait la séparation d'avec ma mère. En peu de jours, j'eus le choix des consolateurs et des amis. » Il ne tarda pas, en effet, à se lier d une amitié qui se prolongea au delà des années de collège avec Aymon de Virieu, Louis de Vignet et Guichard de Bienassis, chez qui il passa, à diverses reprises, une partie de ses vacances. Cette amitié ne fut pas sans péril Ce fut pendant un de ses séjours à Bienassis que. avec ses amis Guichard et de Virieu, il lut en cachette des livres que sa mère n'eût jamais laissés entre ses mains; la mère de Guichard croyait là clé de la bibliothèque en sûreté dans son armoire, mais la femme de chambre la remettait furtivement aux enfants qui s'empressaient de faire provision de ces livres si dangereux à leur âge. « Nous nous jetâmes, écrivait plus tard Lamartine, sur les rayons de cette bibliothèque avec ardeur et tremblement. Nous nous plongions dans cet océan d'eau trouble, ne sachant ce qu'il fallait admirer ou réprouver davantage, mais nous étonnant de ce que la tête avait osé penser, de ce que la plume avait osé écrire... Nous étions entrés innocents, nous sortions coupables : un tour de clé nous avait livré l'arbre du bien et du mal... Nous éprouvions bien un remords de ce plaisir défendu, mais ce remords s'évanouissait devant une passion nouvelle... Tels nous sortîmes de la bibliothèque de


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