De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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sans tarder. Quant à moi, je fus conduit à la prison, que je quittai le lendemain pour le fort Lamalgue. Le fort Lamalgue a joué un grand rôle dans l'histoire militaire de Toulon ; il est situé à peu de distance de la ville, sur une éminence qui commande la partie septentrionale de la rade. C'est une lourde masse de granit, que surplombent les montagnes chauves et grises qui font une sorte d'amphithéâtre au plus fréquenté de nos ports de guerre. En m'y rendant, sous la conduite de deux gendarmes beaucoup moins farouches que leurs collègues de Marseille, je sentis avec délices les chaudes haleines du soleil méridional ; j'aspirais l'air libre à pleins poumons, comme si j'avais voulu en faire provision, et cependant je ne savais pas qu'il me faudrait attendre plus de huit grands mois et passer par bien des ennuis avant de retrouver ces impressions, à 1,800 lieues de la France, sous le ciel de la Guyane ! L'entrée du fort Lamalgue n'a rien de séduisant, mais elle est loin de donner l'idée de cet affreux séjour. La porte principale s'ouvre sur une longue avenue plantée d'arbres mal venus et bordée des deux côtés de bâtiments servant de caserne à un demi-bataillon d'infanterie. Au fond se dresse le fort proprement dit, auquel on pénètre par une voûte aboutissant à ces formidables portes qui servent d'enseigne à toutes les prisons. Après la porte,


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