De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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D E P A R I S A LA CAYENNE

si ce n'est pas un homme d'honneur, quoiqu'il porte la casaque du forçat. Un soir, comme il sortait de sa maison, trois coups de fusil sont tirés contre lui ; il tombe baigné dans son sang, la cuisse traversée d'une balle ; mais il avait reconnu ses assassins. Je dis assassins, parce que la vendetta n'avait pas été déclarée entre eux, et qu'ils étaient trois pour le tuer. L'affaire avait fait du bruit; la justice s'en mêla, et mon oncle était encore au lit, quand un juge vint de la ville pour recevoir ses déclarations. Mon oncle refusa de faire connaître les coupables, car chez nous on ne dénonce pas, on se venge. » Dès qu'il fut guéri, mon oncle partit avec son fusil, et quelques heures plus tard, il rencontra deux de ses assassins, qui le croyaient encore au lit. Du premier coup il logea une balle dans la tète à l'un, et du second il cassa le bras à l'autre ; puis il rentra chez lui, sans môme songer à ce cacher. On ne tarda pas à venir l'arrêter, et cinq semaines plus tard, il partait pour le bagne; il avait été condamné aux travaux forcés à perpétuité. On dit bien qu'il est mal de se faire justice soi-même, et je ne suis pas éloigné de croire qu'on a raison, quand la justice est juste cependant. Mais vous m'avouerez, Monsieur, que mon oncle a agi en homme, et qu'on ne devrait pas lui faire passer le reste de sa vie au milieu des voleurs et des assassins. Aussi, la première fois que reviendra


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