De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

portation pour dix ans, sous le climat meurtrier de la Guyane, ne peut être considérée comme l'accessoire d'une pénalité dont le maximum a pour limite quatre ans de prison. Ce n'est plus même une surévélation de peine, pouvant à la rigueur être considérée comme la conséquence d'une réglementation disciplinaire, c'est une peine nouvelle, excessive; disons le mot, c'est l'arbitraire dans toute sa brutalité. La sagesse des nations a placé au-dessus des lois particulières un principe souverain auquel rien ne peut faire obstacle : Non bis in idem, a dit la législation romaine, et, après elle, la législation de tous les peuples modernes, pour défendre qu'un même fait put donner matière à plus d'une condamnation. Eh bien ! je n'hésite pas à le dire, ni les prétendues nécessités de la dictature, ni les convenances de la raison d'Etat ne peuvent prévaloir contre cet axiome aussi indiscutable qu'une vérité mathématique. Le pouvoir judiciaire est censé agir en toute liberté dans le cercle de ses attributions; il est souverain pour l'interprétation et pour l'application des lois. Dans l'instruction préparatoire, il détermine les délits; dans le jugement, il n'a d'autre guide que sa conscience et la loi. Conséquemment, soit qu'il applique la peine à son degré le plus élevé, soit qu'il la modère, il accomplit dans son indépendance un acte d'appréciation définitive que l'exécutif est tenu de


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