De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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rance, les réunions composées de vingt personnes échappaient aux rigueurs de la loi. Mais ces précautions qui avaient suffi à Napoléon, ce grand ennemi des idées et de la liberté, devinrent impuissantes à rassurer Louis-Philippe, et tout individu qui ne s'enfermait pas dans une solitude absolue pouvait tomber sous le coup de la loi contre les associations. Si la Révolution de 1848balaya toute la législation exceptionnelle qui avait successivement confisqué les libertés conquises en 1830, la réaction qui domina si insolemment dans l'Assemblée nationale n'eut rien de plus pressé que de la ressusciter, tout en gardant les ménagements hypocrites que commandait encore la situation des esprits. Je n'entrerai pas dans l'examen détaillé de cette loi, triste compromis entre la passion et la crainte. Il me suffira de dire que le délit de société secrète demeurait réservé à la juridiction du jury et que la pénalité, dont le maximum s'élevait à quatre ans de prison et 1,000 fr. d'amende, sans compter l'interdiction des droits civiques, pouvait descendre jusqu'aux peines de simple police et même à l'amende simple, par application des circonstances atténuantes. Or, il est bien manifeste qu'abstraction faite du mauvais vouloir plus ou moins contenu du législateur, le délit de société secrète tenait un rang des plus modestes dans la hiérarchie pénale. L'interdiction des droits civiques, qui de-


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