De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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ses qui composaient notre promenoir nous permettait à peine de saisir l'ensemble du paysage, où venaient s'encadrer les dernières maisons de la ville. Néanmoins nos regards pouvaient plonger sur la route de Bastia et se perdre sur le sommet d'un mamelon couronné de neige. Je ne suis resté que deux mois et quelques jours à Corte, depuis le 20 décembre 1857 jusqu'au 28 février suivant, et je n'ai pas eu à me plaindre du climat. A part deux ou trois jours de pluie, le temps n'a pas cessé d'être beau, l'air sec et froid, mais pur et invigorating, comme disent les Anglais. Si, chaque matin, le terrain durci du préau attestait la fraîcheur des nuits, le soleil ne tardait pas à faire sentir sa douce influence, et le spectacle de cette nature alpestre, qui tranchait si fort avec le climat de la Bretagne, était à lui seul un délassement pour des captifs. En même temps, ce changement d'air ne pouvait que raffermir nos santés plus ou moins atteintes par l'humidité permanente des rivages océaniques. Cette espèce de résurrection que nous promettait le ciel de la Corse ne devait-elle être qu'éphémère ? Je n'ai pas eu le temps d'en faire l'expérience. D'ailleurs, il n'y a qu'un spécifique contre les maladies de la prison, c'est la liberté, la liberté dans la patrie. Je ne m'étendrai pas longuement sur mon séjour dans la prison de Corte. Comme à Belle-


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