De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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cheval chacune des quatre voitures dans lesquelles nous étions placés tant bien que mal. Tout le long de la route, des postes de gendarmes étaient échelonnés de distance en distance pour se remplacer, et c'était vraiment pitié de voir ces malheureux, empêtrés dans leur uniforme et chargés d'un fusil double, courir dans les descentes et courir encore dans les montées pour rattraper l'escorte, ce qui ne les dispensait pas d'être abîmés d'injures par leurs aimables supérieurs. Tant il est vrai que les professions les plus enviées et les plus respectées ont leur vilain côté ! Mais ce n'était pas seulement des gendarmes qui galopaient à nos côtés. Toute la population du territoire avoisinant la grande route semblait s'être donné rendez-vous pour assister à notre passage, et, comme un regard jeté à la volée était loin de satisfaire ces visiteurs acharnés, ils se mettaient tous, hommes et enfants, à courir derrière ou autour des voitures, jusqu'à ce que la fatigue les clouât sur place. Et, alors, de nouveaux relais de curieux se succédaient pour se renouveler pendant tout le trajet. Et j'ai tort de me servir du mot de curieux ; sans céder à un sentiment d'orgueil collectif, je puis affirmer que cette foule n'était pas animée d'une curiosité niaise ou insultante. Sur tous ces bruns visages qui tournaient vers nous leurs regards expressifs, éclatait une sympathie sérieuse et virile, mêlée


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