De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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rer, et que les rations étaient irréprochables, ce que je n'ai jamais trouvé sur aucun autre bâtiment de l'Etat. A chaque distribution, ils goûtaient ce qu'on servait, et les distributeurs aussi bien que le coq, tenus en bride par ce contrôle incessant, ne pouvaient pas trop se livrer à leur tripotage habituel. En quittant ce navire, où nous avons rencontré si bon accueil, chacun de nous emporta le souvenir du commandant, M. de Balzac, et de son état-major. A l'exemple de leur digne chef, tous les officiers se plaisaient à traiter les prisonniers de Belle-Ile sur le pied d'une égalité sans réserve, et nous faisaient les honneurs de l'arrière avec une grâce parfaite. Aucun d'eux n'avait cette morgue qu'on reproche, et peutêtre avec raison, à la marine militaire, et j'ai vu le commandant, ainsi que ses officiers, perdre chaque jour plusieurs heures à converser avec le premier venu d'entre nous et souvent déployer à cette occasion une complaisance vraiment méritoire. Il se peut qu'en agissant ainsi l'état-major du Tancer ait grandement contrevenu aux traditions qui se conservent dans les cercles de Toulon et de Brest; mais j'estime qu'ils ont fait preuve d'autant de savoir-vivre que de bon goût en ne voulant pas jouer, même de loin, le rôle de geôliers. Enfin, l'heure du débarquement était arrivée, et nous allions fouler cette terre dont le choix 3


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