De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

façons multipliées qui courbent uniformément le corps de nos vignerons. Enfin, quant à l'olivier, au châtaignier, au figuier, à l'oranger, il n'a d'autre fatigue que d'en cueillir les fruits. Et que lui faut-il de plus? Avec la chasse et la pêche, le lait de ses troupeaux, n'a-t-il pas tout ce qu'il peut désirer? Il est bon marin, bon soldat, il sera au besoin homme d'Etat, littérateur ou savant, mais il n'est pas industriel, et je ne saurais l'en blâmer, car si l'industrie est de nos jours une nécessité sociale, elle fait payer à de si hauts prix ses merveilles, semant sur ses pas l'opulence et la misère, que je ne puis m'empêcher d'envier le sort des populations qui échappent à sa redoutable influence. Mais n'anticipons pas sur l'aperçu que j'aurai à donner de la population corse ; il est temps d'en finir avec notre traversée. Le Tanger avait été pour nous aussi hospitalier que possible, et nous y avions trouvé tous les égards désirables. Mais tout cela ne pouvait pas faire que la vie du bord fût absolument agréable. On se fatigue vite de la ration de porc salé ; on se lasse encore plus vite de coucher à huit dans des cabines, sur des planches superposées en étagères, ou sur des matelas étendus dans le faux pont. Cependant, à propos de nourriture, je dois dire que la surveillance du lieutenant et du commandant lui-même ne laissait rien à dési-


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