De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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J'y restai une bonne partie de la journée, m'ennuyant fort, et de plus, gênant l'administration, qui ne savait comment me nourrir, et qui se fût épargné tous ces tracas en me laissant à l'île du Diable jusqu'au moment de mon embarquement. Cependant je n'eus pas à regretter cette halte. Le commandant de l'île Saint-Joseph était un jeune sous-lieutenant d'infanterie de marine, aux manières ouvertes et engageantes, dont le bon vouloir s'était déjà manifesté à mon endroit, et la franchise des félicitations qu'il m'adressa ne me permit plus de craindre désormais de déconvenue. Condamné à une inaction complète, n'ayant à qui parler, j'utilisai ces loisirs forcés à la visite de l'île Saint-Joseph, dont je ne connaissais pas l'intérieur. Indépendamment du chemin de ronde qui embrassait tout le pourtour de l'île, je vis des routes bien tracées, bien entretenues, des potagers satisfaisants, voire des parterres chargés de fleurs, mais, à l'exception d'un four à chaux, je n'aperçus rien qui ressemblât à des travaux industriels. Je retrouvai dans les ateliers une partie des repris de justice venus en même temps que moi de Toulon, et j'appris que, sur 36, il n'en restait plus que 25. Le reste était mort dans les trois semaines qui avaient suivi le débarquement! Ce sinistre résultat montre assez à quel affreux régime étaient soumis ces malheureux et, soit dit en passant, il n'en faut 17


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