De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

plus préparé au calme et à la patience ; cependant la réflexion me rappela bientôt à d'autres idées. Je n'avais pas le droit d'immoler à mon amour-propre, si légitime qu'il fût, la tranquillité, peut-être la vie de ma famille. La priver de mes nouvelles, c'était lui enlever sa consolation suprême, justifier ses inquiétudes et ses craintes ; c'était l'autoriser à croire que j'avais succombé au climat ou au régime de l'île du Diable; c'était en un mot rouvrir pour elle les portes du désespoir. Devais-je hésiter entre le devoir et ma susceptibilité ? J'écrivis. Jamais je n'avais fait, — je puis le dire — de sacrifice aussi pénible aux saintes affections de la famille, et le ton de la lettre que j'écrivis précipitamment pour ne pas manquer le courrier se ressentait beaucoup plus que je ne l'aurais voulu du tumulte de mes pensées. Heureusement, elle voyagea à petites journées, s'arrêtant de police en police, si bien que, lorsqu'elle parvint à sa destination après trois mois, par l'intermédiaire du ministre de l'intérieur, elle avait été précédée de la nouvelle de ma translation à Cayenne.

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