De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

goûtées en Europe, et, de plus, comme la vie active finissait forcément avec le jour, on ne pouvait penser à la réduire encore. Ma journée se passait donc sans trop d'ennui. Je consacrais quelques heures à ceux de mes compagnons qui sentaient le besoin d'utiliser leur temps d'exil pour ajouter quelques connaissances aux études incomplètes de leur première enfance. Je relisais le petit nombre de livres que j'avais emportés; j'écrivais un peu ; je réfléchissais beaucoup, et, quand le soir arrivait, je pouvais me dire que je n'avais pas entièrement perdu ma journée. Le commandant supérieur que j'avais trouvé à mon arrivée et dont j'ai dit les bons procédés à mon endroit comme envers mes compagnons, avait quitté les îles du Salut. Gomme avant et depuis, ce poste n'avait jamais été rempli par un chef de bataillon, il se disait aux îles qu'il n'y avait été détaché momentanément que pour réprimer le désordre et les abus qui avaient élu domicile dans les pénitenciers. S'il en était ainsi, je ne crains pas d'affirmer que la mission du commandant a été infructueuse, quelque zèle et quelque sévérité qu'il ait voulu mettre à la remplir. En effet, comme on le verra plus tard, le mal n'était pas de ceux qu'on peut arrêter ou guérir avec des mesures partielles; il était dans le système tout entier, dans l'administration supérieure aussi bien que dans les directions par-


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