De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

noirs, ne peut impunément s'exposer nu-tête au soleil. Je m'inclinai devant cette leçon méritée, et je le questionnai sur le ras de marée dont j'avais senti les effets avant même d'avoir su son existence. En y réfléchissant, ma mémoire me disait bien que certains voyageurs avaient parlé d'accidents de mer qui répondaient à ce nom, mais j'avais toujours pensé que c'était quelque chose comme les typhons qui désolent la mer des Indes. Quant à ceux qui se produisent sur notre littoral continental, ils sont si rares et se présentent à des époques si peu déterminées, qu'ils restent à l'état de phénomènes inexpliqués. J'ai su plus tard que le ras de marée se fait sentir presque régulièrement à deux époques de l'année sur les côtes de la Guyane, c'est-àdire à la suite des équinoxes. Je l'ai vu, au printemps de 1859, prendre pendant plus d'une semaine des proportions effrayantes. J'étais alors à Cayenne, et je me rendis plus d'une fois à un endroit de la grève qu'on appelle l'Anse, pour assister à cet imposant spectacle, qu'il m'a toujours été impossible de contempler sans une sorte d'effroi. Qu'on se représente, par une mer tranquille, avec un ciel sans nuages, au milieu du silence des vents, une suite de vagues ou plutôt de montagnes d'eau qui partent du bout de l'horizon, se rejoignent, se mêlent et s'élèvent


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