De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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vu, en 1851, tourner contre eux les armes qu'ils avaient forgées eux-mêmes, un remords tardif est venu éveiller leur conscience. A Belle-Ile, la vie était ce qu'elle est dans toutes les prisons, semée d'ennuis et empreinte d'une désespérante monotonie, que ne venaient pas interrompre les visites du dehors. D'année en année, de mois en mois, nous voyions se resserrer le cercle de fer qui nous entourait, disparaître, sous un prétexte ou sous un autre, les quelques facilités qu'on n'avait pas songé d'abord à nous disputer, et, chaque jour aussi, les luttes qui s'engagent forcément de prisonniers à geôlier prenaient un caractère plus tranché d'amertume et d'injustice. Si quelques prisonniers se respectaient assez pour décourager les taquineries de l'administration et les incessantes provocations des agents inférieurs, ils n'en subissaient pas moins le contre-coup des querelles auxquelles ils étaient étrangers, et ils étaient obligés de renouveler incessamment leur provision de dédain, seule arme qui reste à la dignité contre la force brutale. L'histoire de la détention de Belle-Ile serait douloureuse à plus d'un titre, et je ne l'aborderai pas ; chacun comprendra les motifs de ma réserve. Tout ce que je puis dire, c'est que de ce mélange d'hommes venus de tous les champs de bataille de la politique, représentant tous les désastres et toutes les nuances de l'opinion,


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