De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A C A Y E N N E

n'étaient pas de taille à procurer l'ombrage si nécessaire à la Guyane. Je voulus savoir la cause de cette dissemblance, et j'appris que l'île du Diable devait sa nudité à une mesure administrative et non à la nature de son sol. Lorsque les transportés politiques vinrent en prendre possession, ils y trouvèrent des arbres de toute espèce, et s'en servirent naturellement pour construire leurs cases d'abord, et bientôt après des goëlettes, à l'aide desquelles s'opérèrent heureusement quelques évasions. Au lieu de fermer les yeux, comme elle aurait dû le faire, sur un expédient qui la débarrassait d'hôtes incommodes, l'administration se fâcha et fit tomber sa colère sur les arbres qui avaient fourni les moyens d'évasion. Un abattis général fut ordonné et impitoyablement exécuté. Privés du chantier naturel qu'ils avaient sous la main, les transportés se rappelèrent que leurs cases avaient une charpente, et, sans craindre de risquer la solidité de leurs constructions, ils en tirèrent les matériaux que l'île ne pouvait plus leur donner, pour construire des canots de plus belle. Cette fois encore, l'administration, plus que jamais courroucée, recourut au procédé héroïque dont elle avait déjà fait usage. Les cases furent démolies, et tout ce qui restait de bois susceptible d'être mis en œuvre fut soigneusement enlevé. Mais je m'aperçois que j'anticipe sur un sujet qui trouvera plus loin sa place, et j'arrive à


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