De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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Lamalgue et la passion m'entraînait à l'injustice. Aujourd'hui, quand les efforts de ma mémoire se reportent spécialement sur les moustiques et les maringouins, ma conscience retrouve ses droits, et, ne sachant trop lequel de ces abominables ennemis de l'homme mérite la palme, je suis forcé de les mettre ex œquo pour la voracité. A la Guyane, on s'accorde pour redouter le moustique beaucoup plus que le maringouin, et je crois, en effet, que les morsures du premier sont plus douloureuses. Mais, en revanche, tandis que le moustique, muet comme une carpe, vous plante et replante silencieusement son aiguillon dans les chairs, le maringouin vous assourdit d'une musique qui n'est pas précisément amusante et qui vous fait souffrir par avance du coup qui vous menace. De plus, la douleur produite par le moustique ne dure pas une seconde et disparaît sans laisser de trace ; la blessure faite par le maringouin cause une démangeaison qui lui survit longtemps, et a de plus le désagrément? de vous diaprer le corps de boutons. Quoi qu'il en soit, ma nuit se passa tant bien que mal, et, le lendemain, je pus visiter à loisir le petit domaine où devait se renfermer mon existence. J'en fus médiocrement enchanté. Moins heureuse que ses deux sœurs, l'île du Diable n'avait pas un arbre, et les arbrisseaux qui croissaient dans les parties non cultivées


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