De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

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Cette case, qui me paraissait si peu hospitalière, prit, sous sa main intelligente, une forme toute nouvelle. Dans l'un des angles, des pierres convenablement étagées faisaient office de foyer et bientôt quelques morceaux de bois y dégagèrent une flamme dont la fumée disparaissait tant bien que mal à travers les fissures ménagées dans le mur. En un mot, au bout d'une demi-heure, je pris ma part d'un déjeuner qui n'était peutêtre pas de nature à flatter le palais d'un gourmet, mais qui suffisait largement à mes habitudes de sobriété, et je compris qu'à tout prendre on pouvait ne pas mourir de faim à l'île du Diable. Mais combien de connaissances ne devaiton pas réunir et qui toutes dépassaient mes forces de cent coudées ! Mon amphitryon n'était pas seulement familiarisé avec la science culinaire ; il entendait passablement la culture et déployait à la pêche ainsi qu'à la chasse un talent de premier ordre. Quand nous voulions du poisson, quelques coups d'épervier lui procuraient notre dîner; il savait trouver des crabes et des langoustes, et il ne s'écoulait pas de semaine qu'il ne surprît des tortues de mer. S'il s'abattait dans l'île un vol de tourterelles bleues ou de perroquets, il était bien rare qu'il ne parvînt pas à en attraper au moins la moitié. Malheureusement, les armes à feu n'é-


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