De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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séduisante comporte une somme de ressources qu'il suffit de savoir trouver. Fort de cette réflexion philosophique, j'attendis patiemment la distribution des vivres, et je profitai de ce répit pour recueillir quelques renseignements sur le personnel auquel je venais de m'adjoindre et sur les conditions du régime que j'avais à subir. Au moment de mon arrivée, les détenus de l'île du Diable étaient au nombre de 36, moi compris; ils se divisaient en plusieurs catégories : la première, en date comme par le nombre, se composait de citoyens frappés au 2 décembre 1851 ; puis venaient des transportés de juin 1848, que, sous un prétexte ou sous un autre, on avait transportés d'Afrique à la Guyane; enfin, les condamnés des ardoisières d'Angers, plus quelques condamnés pour sociétés secrètes, et l'infortuné Tibaldi, condamné judiciairement à la déportation, le seul de nous tous pour lequel l'amnistie du 16 août 1859 n'ait apporté que de nouvelles rigueurs ! J'allais oublier deux noirs du Sénégal qui avaient été expatriés et transformés en prisonniers politiques, parce que leur séjour dans nos possessions de l'Afrique occidentale portait ombrage aux autorités. Cette petite colonie, formée d'éléments passablement disparates, ne me semblait pas sentir aussi vivement que je le faisais les rigueurs et les humiliations du régime auquel elle était


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