De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

tôt le sort qui m'était réservé, et je ne cacherai pas que j ' e n fus médiocrement satisfait. Serai-je donc ainsi dans quelque temps ? me disais-je. Vais-je, moi aussi, dépouiller mes habitudes pour me plier aux nécessités de la vie sauvage ? Et j'étais là en plein soleil, ne sachant où déposer mes malles, assez inquiet surtout de savoir si je pourrais déjeuner. Enfin, un déporté qui survint par hasard m'offrit de partager sa case, et, guidé par lui, je me dirigeai vers l'intérieur de l'île. Je rencontrai sur mon chemin des cabanes capricieusement semées à droite et à gauche, toutes bâties de pierres et de boue, à peine couvertes de paille de maïs, ornées de trous qui, suivant la grandeur, figuraient la porte ou la fenêtre. C'étaient les résidences de jour de mes compagnons, et près d'elles assurément les dernières masures de nos paysans auraient passé pour des palais. Arrivé au logis de mon hôte, la vue de l'intérieur ne fit qu'ajouter à mes perplexités. Le mobilier se composait d'une table boiteuse et d'un escabeau, et, sauf la satisfaction que j'éprouvais d'échapper à l'ardeur du soleil, je ne prévoyais pas que ce triste aménagement pût en offrir d'autre. Quoi qu'il en soit, j'étais trop familiarisé avec les ennuis et les privations pour m'effrayer de si peu; puis je savais par expérience que, s'il est prudent de ne jamais prendre au comptant les apparences favorables, la situation la moins


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