De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

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DE PARIS A CAYENNE

simple, aux passions naïves, j'ai trouvé un bon vouloir infatigable et des procédés qu'on chercherait souvent en vain dans des classes plus élevées et mieux préparées en apparence aux sentiments délicats. Quels noms portaient ces hommes qui, à un des plus durs moments de ma vie, ont pu, malgré leur position subalterne, contribuer à adoucir ma situation, qui n'ont eu que de bonnes paroles pour le proscrit, qui se sont empressés toujours de m'épargner les petites misères de la vie de bord ? Je l'ignore, et sans doute je n'aurais jamais l'occasion de redire, même à quelques-uns d'entre eux, combien j'ai été pénétré de leur obligeance désintéressée. Pour acquitter la dette que j'ai contractée envers eux, il ne me reste qu'un moyen, c'est de plaider, chaque fois que je le pourrai, devant l'opinion publique, les droits de cette intéressante population de matelots dont j'ai vu de près les souffrances et les rudes travaux. En arrachant les marins au régime des coups de corde, la République de 1848 a fait beaucoup pour relever leur dignité trop longtemps outragée par ces ignobles sévices ; mais il reste encore beaucoup à faire et je l'indiquerai. D'ailleurs si humble que soit et que doive rester ma position, après avoir vu que de plus humbles encore avaient pu se montrer mes bienfaiteurs, je ne désespère pas de pouvoir reporter ce que j'ai reçu sur les malheureux


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