De Paris à Cayenne : Journal d'un transporté

Page 239

DE PARIS A CAYENNE

235

Cependant, en dépit des calmes, la Seine s'avançait vers le terme de son voyage ; déjà l'Océan prenait cette couleur troublée que lui communiquent à longue distance les eaux chargées de l'Amazone, le roi des fleuves. A cet indice infaillible, on prit à bord les précautions d'usage ; mais alors le vent fit complétement défaut, et force fut, après une longue attente, de se décider à entamer la maigre provision de houille confiée à la discrétion du commandant. Enfin, le cap Nord fut signalé ; le lendemain, nous étions à la hauteur du cap Orange, placé à l'est de l'embouchure de l'Oyapok. Nous étions enfin dans les eaux de la Guyane et bientôt nous eûmes connaissance des Connétables. Ce sont deux énormes rochers qui montrent leurs têtes chauves et inégales au-dessus des flots jaunis. Il y a le grand et le petit Connétable, et tous deux servent d'asile à des quantités innombrables d'oiseaux de mer. Il est d'usage de saluer ce lieu d'un coup de canon, et la Seine ne manqua pas à cette coutume, dont le véritable but est de signaler à Cayenne l'approche d'un navire d'Europe, et qui sert en outre à égayer l'équipage, fatigué d'une longue traversée. En effet, au bruit du canon, on voit des myriades d'oiseaux de mer s'échapper des fissures de ces rochers, s'élever en tourbillonnant et rester suspendus comme d'épais nuages. Il y a des légendes, s'il m'en souvient, sur les noms étranges donnés à ces


Issuu converts static files into: digital portfolios, online yearbooks, online catalogs, digital photo albums and more. Sign up and create your flipbook.